lovely + POSY

ça a recommencé, ce poids dans ma poitrine. ça compresse mes poumons, ça m'empêche de respirer. hier soir, j'ai dû attendre que ma mère se couche pour me vider l'estomac dans la cuvette des toilettes. parfois j'me demande si y a pas quelque chose dans mon corps, un truc qui grandit et me bouffe de l'intérieur. la nuit passée la musique à fond, à griffonner sur le mur, les nuages de fumée comme médicament ; puis la fatigue qui frappe qu'au matin. dans ces cas-là faut fuir avant de faire une connerie. c'est pour ça que j'suis sorti sans prévenir ; un débardeur et un gilet trop large sur le dos, parce qu'à quoi bon se faire chier alors que de toute façon je me rends nulle part.
posy.
c'est à elle que j'ai pensé directement, comme toujours. c'est tout. c'est son sourire, ses gestes et juste elle, putain. mais ça c'est le genre de truc qu'on dit pas, parce que ça craint, alors on s'contente de squatter, de passer du temps ensemble. et moi quand j'me retrouve sur le seuil de sa porte, c'est que j'peux pas me sentir plus paumé. comme là, tout de suite, alors que j'tiens à peine, chancelant en attendant une réponse de l'autre côté du mur.
_ posy, c'est moi. mots à peine murmurés, sur un tons trop las qui traduit mon humeur apathique. parce que j'en ai marre de tout, voilà pourquoi je suis ici. épuisé par l'insomnie qui aime jouer avec mes pensées, épuisé parce que le simple fait de respirer, ça m'demande un effort physique dont je me passerais volontiers.
_ j'pouvais pas rester chez moi. y'a rien d'autre à dire, elle sait très bien. c'est pas comme si elle allait me demander de toute façon. elle s'en contrefout, elle va me laisser entrer et m'aider à oublier qui je suis le temps qu'il faudra. c'est déjà beaucoup. un soupir, une main passée dans les cheveux alors que je la porte s'ouvre, et qu'elle est là, en face de moi. toujours aussi belle, car ce sont des choses qui ne changent pas.

joder!
posy jure. les lasagnes s'étalent sur le sol de la cuisine en un motif abstrait. elle soupire. une serpillière. en allant la chercher, posy marche sur un éclat de verre. nouveau juron. le sang coule sur le parquet égratigné et sur les morceaux du plat en verre qui ressemblent à de petits diamants sous la lumière crue de la cuisine. c'est le genre de soirée qui commence mal, et qui se termine souvent sous la couette, un air de chopin à fond pour masquer des pleurs automatiques qui veulent dire que c'est nul, que les lasagnes sont foutues, qu'on a faim, qu'il faudrait refaire les courses, qu'on se sent seule, que papa est en prison, que joachin est à l'autre bout du monde, qu'on n'a pas fini son essai pour le lendemain est que c'est nul, que tout est nul et qu'on espère qu'on fera pas de cauchemars en plus de ça. bah, faudrait déjà qu'on arrive à dormir. posy sautille sur un pied jusqu'à la salle de bain, évitant les bouts de verre comme des mines antipersonnel. elle désinfecte son pied et se fait un bandage parce qu'elle a plus de pansements. elle a foutu du sang sur son jogging. elle enlève son jogging. on toque à la porte. il est tard. qui ?
. posy c'est moi.
qui d'autre ? posy sourit. chopin, pas ce soir. en culotte, avec un pied qu'elle pose à peine par terre et un plat de lasagne éventré qui gît toujours dans la cuisine, posy va ouvrir. il a de petits yeux et une petite moue et il se colle à l'encadrement de la porte comme une moule à son rocher. elle hoche la tête, l'attire à l'intérieur et passe ses bras autour de son cou. elle dépose un baiser sur sa joue tout froide. il est là et tout va mieux.
viens m'aider.
dans une tentative de lui changer les idées, elle l'emmène dans la cuisine comme sur une scène de meurtre.
je vais faire du thé. tu veux autre chose ?